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BILLET #4 - 24.02.17

Recherche avec Benoît Lachambre, Studio Bizz Montréal

Stay with strong hearts…

 

Ils sont quatre interprètes : France Geoffroy, Roya Hosini, Georges-Nicolas Tremblay et Benoît Lachambre. Et Marie-Hélène Bellavance – qui porte plusieurs casquettes hyper importantes dans Quadriptyque mais ne participe pas comme danseuse à cette création –, fait également partie du mouvement d’ensemble. Elle filme, ou plutôt, elle manœuvre une caméra fixée sur une chaise roulante, et tout en évoluant entre les danseurs et autour d’eux, capte des images, qui feront partie du futur dispositif scénique, projetées sur des écrans lorsque la pièce sera présentée sur scène (à l’horizon 2019 à l’Agora de la Danse) Et puis, il y a moi. Je regarde. J’écoute. Je change d’angle de vue. Je vais chercher un thé. Je me rassois au sol, ou sur une chaise haute. Je suis les mouvements, les regards, les corps. Je me laisse danser, en fait. Spectatrice privilégiée et forcément analytique, c’est ma place. En biais. De côté.

En quatre jours, une ligne s’est clairement dessinée. Elle va évoluer, bien sûr, mais elle a émergé à la surface visible des plaques tectoniques qui l’ont produite. Quatre jours, et le miracle de la création a eu lieu, encore. Coup de Big Bang, captivant.

Roya, Georges-Nicolas, Benoît, arrimés les uns aux autres et ainsi en grappe au fauteuil électrique de France, comme des algues glissant sur le plancher de bois lisse. Envoûtements, emboîtements, désemboîtements, roulés, connexions et circulations énergétiques ininterrompues, une superbe figure, soudain, au passage, entre Roya et France, par-delà leurs limitations physiques respectives, ancrés l’un à l’autre, ils forment une petite société complète. Ensemble, c’est tout, ne pas se lâcher, et même les éloignements sont des retours. S’éloigner pour revenir, reculer pour se rapprocher, sans jamais se quitter ni se désunir. Entre eux quatre, les harpons énergétiques ne permettent pas l’égarement. Ils flottent ensemble, lents et fluides, sur un subtil engrènement de piano classique.

Avec Marie-Hélène qui tourne entre eux et autour, c’est aussi toute la connexion entre l’humain et la machine, thème très à propos en danse intégrée, qui se trouve exaltée, questionnée, et du coup, matérialisée.

France utilise la force électrique de son fauteuil – une puissance redoutable à laquelle on ne pense pas au premier abord –, là où les autres danseurs utilisent leur force musculaire. Roya, si spectaculairement souple et acrobatique, ses bras et ses épaules tellement dessinés et multidirectionnels, enchaînent des acrobaties périlleuses qui font oublier son unijambisme. Let me do my thing, revendique son tee-shirt. Qu’on se le tienne pour dit. Georges-Nicolas, parfaitement architecturé, sa gestuelle à la fois très précise et très fluide, et son écoute quasi palpable, toutes les parties du corps comme des écoutilles à l’affût.

Benoît parle des courants énergétiques qui traversent le corps charnel plus loin que la chair seule, il invite à cette écoute, à cette lenteur, il crée cette fluidité attentive dans laquelle il est le premier à plonger. En quatre jours, il a ainsi esquissé une vision du monde d’individus uniques et complémentaires, autonomes et solidaires.

Sur son tee-shirt à lui, il y a écrit : Stay with strong hearts. C’est son étendard tacite et tous s’y rallient.