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Quadriptyque vu par les enfants

(par Katya Montaignac)

 

Lors d’une visite en studio, une classe de primaire s’est montrée enthousiaste, curieuse et impressionnée par la démarche de France Geoffroy :

 

-France pourrait recevoir un Prix Mammouth !

-Elle est gentille d’accepter des enfants handicapés dans ses cours, elle apprend aux autres.

-Ça m’a impressionné de voir comment elle recule avec son fauteuil tout en faisant des mouvements de danse avec ses bras.

-C’est « original », on dirait de la danse contemporaine !

-Est-ce que c’est son travail ou elle fait ça bénévolement ?

 

Ce que les enfants nous apprennent

Il est toujours enrichissant d’observer les enfants regarder de la danse. Les voir contempler France et Benoît performer, dialoguer, ululer, grogner et traverser toutes sortes d’états de corps m’amène à questionner nos présupposés en matière de spectacle vivant. Certains sont amusés, d’autres surpris, quelques-uns apeurés face aux excentricités des danseurs. Cette rencontre présente un vecteur d’enseignement à double sens : d’une part, la permissivité que se donnent les deux performeurs qui explorent des terrains inusités et, d’autre part, celle des enfants qui n’ont pas nécessairement de filtre sur leur regard. On pense que les enfants sont moins tolérants à la différence. En réalité, ils n’ont pas autant de préjugés et sont très transparents.

 

Après l’enchaînement, les artistes ont généreusement répondu aux 1001 questions des enfants :

Est-ce que vous avez mal à la gorge après avoir crié ?
Ça m’a fait peur à un moment donné.
Est-ce que vous improvisez ?
Est-ce que c’est dangereux quand vous grimpez sur le fauteuil roulant ?
Vous gagnez combien d’argent ?
Comment France dort-elle ?
Ça a l’air de quoi la danse contemporaine ?
On dirait que vous faites du cinéma.

 

Accueillir « ce qui nous chorégraphie »

On enseigne très tôt aux enfants à rester immobiles et silencieux devant un spectacle. Pourquoi ? Par respect pour le travail des artistes. Mais au fond, que sommes-nous prêts à accueillir en tant qu’artistes ? Serait-il si dérangeant de performer devant un public qui fourmille et vibre ? La présence des enfants a coloré celle de France et Benoît dont le jeu et l’inspiration se sont avérés particulièrement ludiques ce jour-là. Plus inspirant que perturbateur, le bruissement des représentations familiales du dimanche à Tangente ou « décontractées » du MAI nourrit (et teinte) l’expérience esthétique.

L’attention des enfants se porte sur des détails que je ne remarque plus : l’écran, le fauteuil roulant, Gabrielle Couillard (la conceptrice sonore) qui traite le son en direct, la fenêtre du studio… Un groupe est intrigué par les prothèses de Marie-Hélène Bellavance qui filme en direct le duo tandis que d’autres sont surtout captivés par l’image vidéo. Comme tout public de danse contemporaine dont l’attention volatile conditionne la réception (j’aime à ce titre la permissivité confiée en art visuel au regardeur concernant son degré d’attention).

« La danse est inclusive par nature. C’est ce qu’on en a fait qui est devenu exclusif. » (Benoît Lachambre)