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BILLET #5 - 18.04.17

Maison de la culture Mont-Royal, Montréal

S’il devait n’en rester qu’une …

Lorsque je suis allée pour la première fois en studio, au Conseil des Arts de Montréal, le 18 avril, j’ai été bien étonnée. Atmosphère intimiste, grande connexion entre les quatre danseuses, une sorte de communion recueillie. Rideaux tirés, assises au sol, elles se sont lancées dans une longue méditation, presque grave, avant de se réunir autour de la lumière d’un téléphone cellulaire comme s’il s’agissait du dernier point lumineux dans un monde qui tirerait à sa fin. D’unies main dans la main en cercle, elles se sont lâchées, distendues, perdues, chacune échouée à une extrémité du studio.

Et soudain l’effroi. Un cri strident qui a jailli de leurs poitrails respectifs, long et aigu, venant me remuer les tripes. Que se passe-t-il, me suis-je demandé ? Une rupture ? Un rejet, une trahison ? La fin d’un monde ? Mais lequel ? Puis elles se rejoignent, se tenant à nouveau par la main, autour d’une table. Elles discutent. De ce qu’il faudrait sauver, quels objets, quels préparatifs, quelles priorités, une sorte de tactique de survie discutée par des femmes, préoccupées par un fort désir de transmettre et de sauver la vie. La vie qui continue toujours, trouve son chemin, se poursuivra même lorsque tous les vivants de la terre auront disparu. Quand ? Bientôt. Si souvent on nous parle de la fin du monde…

Souvent, je pense à la fin du monde, c’est ainsi que se nomme la pièce pour l’instant. Au cœur de la scénographie, une série de chaises pour enfants. De diverses couleurs, alignées comme des rangs de spectateurs invisibles, ou comme des rangées de sièges d’avion, ou comme les derniers objets rescapés d’une classe de maternelle désertée… Elles sont assises dessus aussi, parfois, plus ou moins à l’aise. Roya Hosini et sa longue jambe musclée trop longue pour la chaise, Joannie Douville, malgré sa souplesse et sa force galbée, qui trouve mal son équilibre sur un si petit espace. Seule Maxime D. Pomerleau la trouve à sa taille.

Équilibre précaire. Sarah-Ève en joue. Roya, Joannie et Maxime aussi. Elles jouent de et avec ces déséquilibres à chaque instant, plus qu’avec les handicaps de l’une ou de l’autre. Les handicaps de Roya et de Maxime sont bien sûr manifestes, des béquilles de l’une au fauteuil roulant de l’autre, mais Sarah-Ève n’en tient pas compte. Ses trois interprètes font toutes exactement les mêmes gestes, prennent les mêmes postures, sont des miroirs équivalents qui se renvoient l’un dans l’autre, dans une symbiose, une complicité, une solidarité tout à la fois touchantes, naturelles et magnétiques.

Elles parlent beaucoup entre elles, et Sarah-Ève de différentes façons les amène à chercher dans leur intériorité des états, des émotions, des désirs, des peurs, des envies, des réponses chacune pour soi et toutes pour toutes. Émerge en moi cette citation du peintre et sculpteur Alberto Giacometti : Dans un incendie entre un Rembrandt et un chat, je sauverais le chat